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Responsable mais pas coupable ?

Publié le par Bertrand Ricque

Telle est bien la question après bientôt 35 ans de vie professionnelle. Résumons. D'abord des études pour devenir officier, dans lesquelles on apprend, entre autres, à tirer à la mitrailleuse, au lance-roquettes, comment rôtir un équipage de char dans sa cocotte minute, tuer les autres sans se faire tuer, à mains nues, comme avec divers accessoires, en fonction de ce qui vous tombe sous la main. Ensuite mise en application dans une unité de drones. A l'époque, il s'agit de repérer avec une espèce de saucisse volant à 700 km/h des concentrations de chars soviétiques pour leur balancer dans les 40 minutes qui suivent un petit missile équipé d'une charge nucléaire de 15 kT, histoire de leur expliquer qu'ils feraient mieux de rentrer chez eux.

Mauvais choix. A ce stade, je suis déjà un tueur assoiffé de sang, nervi du lobby militaro-industriel, forcément pas franchement communiste, puisque c'est quand même l'ennemi, et donc moi-même ennemi du peuple.

Ensuite, direction de projets pour l'industrie pétrolière (beurk), les centrales électriques, à l'époque à charbon (re-beurk), et la chimie lourde.

Re mauvais choix, car bien évidemment je soutiens la corruption en Afrique, la junte birmane, les marées noires et les fabricants de cancer.

Changement d'orientation pour la chimie fine, les engrais et la pharmacie. Mes clients : Sanofi, GSK, Servier (oui, le même), Monsanto, Bayer, BASF... J'arrête là, vous allez vous couper les veines.

Là, c'est clair, j'aggrave mon cas. Je suis passé d'un truc du genre idiot utile, à complice de l'exploitation de la planète et de l'empoisonnement des masses. Probablement dans un sursaut de lucidité éthique, je passe dans l'industrie automobile.

Certes, je pollue moins, MAIS je participe de la société de consommation aliénante en endettant les classes laborieuses en les obligeant à acheter des voitures qu'on leur fait désirer le plus cher possible. Sans compter que j'installe des robots pour que les ouvriers n'aient pas à manipuler des trucs lourds (sauf en Roumanie, où l'ouvrier est moins cher). Ça supprime des emplois. Me voilà suppôt du patronat. La pente est de plus en plus glissante et probablement impossible à remonter.

Qu'à cela ne tienne, je passe dans les aéroports (profil bas vu ramdam à NDDL) et dans la grande distribution (Libérez les caissières, merci Nad), pour automatiser tout ça.

Et pour finir, je reviens à mes premières amours (on ne m'enlèvera pas le sens de la cohérence). Donc des chars, des drones, des morceaux de frégates, de sous-marins, j'en passe et des meilleures.

Donc je supporte les pires dictatures et épouse sans états d'âme, bien évidemment, les idéologies les plus nauséabondes (pas LMPT quand même, faut pas déconner !).

Et en plus j'aime ça ! A ce stade ça a du devenir névrotique. Ben oui, je m'éclate avec mon métier, et j'y rencontre des gens formidables dans tous les coins du monde. Évidemment, il y a des gens que cela dérange et je peux le comprendre, mais bon j'assume.

Bon, je vous en laisse une petite pour la route.

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